mercredi 5 septembre 2012

Défi Ecriture (1)

Voici le premier thème, proposé par Clémence. 
Thème = Premier pas sur la lune
Mots à placer obligatoirement dans le texte  =  Lune, Blanc ou Blanche, héros ou anti-héros ou super-héros, Tintin
Forme du texte = libre (poème, texte court, dialogues, reportage...)
Date où vous devez avoir publié = 7 septembre
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Nous étions arrivés le 23 Octobre 2088. La mission avait été envoyée pour désengorger la planète Terre, trop polluée, trop peuplée... Les scientifiques américains avaient découvert comment créer une atmosphère dans l'espace, et cela nous permettait d'envisager de vivre sur toutes les planètes alentours. Il fallait des volontaires, à raison de 100 000 par an. Les navettes allaient et venaient, régulièrement, pour dépeupler la Terre et peupler l'espace. 

J'avais choisi de partir. Rien ne m'attachait à la planète où j'étais né. Pas assez de travail, air irrespirable, délinquance, guerres de religions, nucléaire à tout va... Je ne me sentais pas en phase avec le monde qui m'entourait. Le programme  de peuplement de la Lune m'avait immédiatement tenté. Portant le nom du célèbre album de Tintin, "Objectif Lune" consistait en un peuplement écologique. Toutes les infrastructures sur place avaient été étudiées pour éviter au maximum tout type de pollution. L'air devait y rester sain, et l'esprit était plutôt porté sur le zen. A l'époque, ça me convenait bien. Les cris d'enfants s’insupportaient, et j'avais besoin d'un retour au calme. Après la mort de mes parents, il y avait comme un bourdonnement dans ma tête, qui n'avait fait que s'amplifier au fil des ans. 
Le jour de mes trente ans j'ai obtenu la carte. On l'appelait la "carte blanche".  C'était le pass, le Graal, pour ceux qui souhaitaient partir. Là-bas, mon nouveau métier consisterait à aider à la création de nouvelles infrastructures pour rendre la vie encore plus agréable. Un genre d'architecte intersidéral, en quelque sorte. 
Pendant des mois, j'avais la tête dans les étoiles. J'ai préparé soigneusement mes affaires, je me suis débarrassé de mes meubles, de ma voiture, j'ai gardé mon vélo. J'avais envie de faire table rase du passé, je me sentais comme un super héros, j'avais l'impression de participer modestement au sauvetage de l'espèce humaine. Mon seul regret était de laisser Gribouille, mon chat. Je ne verrai plus d'animaux. Il n'y en avait pas encore sur la Lune. C'est vrai. Toi, tu ne sais pas ce que c'est un chat. J'ai gardé une photo, je te la montrerai un jour. 

Le voyage a duré trois semaines. Dans la navette, l'excitation était à son comble. Nous n'avions pas vraiment peur, cela faisait déjà plusieurs années que le programme se déroulait parfaitement. Un soir, en retournant dans ma cabine, j'avais croisé une femme, au détour d'un couloir. Assise par terre, elle avait la tête entre les mains. Je lui ai demandé si tout allait bien. Elle a levé la tête. Malgré son visage inondé de larmes, elle était magnifique. Ses longs cheveux noirs et bouclés dévoraient son visage, elle avait des yeux de braise, et une peau parfaite. J'ai eu tout de suite envie de la consoler. Je lui ai dit que ses larmes ressemblaient à des étoiles sur son visage. C'était nul comme plan drague. Elle a souri. Un sourire extraordinaire. Angélique. Presque magique. Plus tard j'ai su que ce soir là elle pleurait parce que ses parents l'avaient forcé à partir, pour son bien, et qu'elle les avait laissé sur Terre, vieux et malades. Elle ne les reverrait plus.

Nous avons fait connaissance durant tout le voyage, elle s'appelait Elsa, et le jour de l’atterrissage nous avons décidé de nous installer ensembles. Nous avons choisi un petit appartement au cinquième étage, avec vue sur un petit lac artificiel. Ce qui m'a marqué en arrivant ? Les couleurs. Tout était beaucoup plus pastel que sur Terre. Les jours de regrets, cela me semble fade. Les jours de bonheur, je les trouve douces et apaisantes. Notre vie à deux à commencé, pleines de découvertes, d'apprentissages, de doutes aussi parfois. Nous étions heureux, tellement heureux... Les promesses d'"Objectif Lune" étaient à la hauteur. Enfin nous respirions. Je me rappelle des cris des habitants lorsque les premiers poissons sont arrivés dans le lac. Personne n'avait sur expliquer comment, ni pourquoi. Mais ils étaient là, et après eux, la faune a commencé à se diversifier un peu. Pas autant que sur Terre, mais quelques oiseaux, quelques insectes ont fait leur apparition, dans les trois ans après mon arrivée. Ce programme de dépeuplement de la Terre était finalement le résultat d'un accord entre tous les pays du monde. Une preuve magnifique que lorsque l'on sait s'entendre, on peut arriver à créer de belles choses. 
J'ai pu voir des regrets, de la douleur, du mal du pays... Je l'ai vécu aussi. Mais jamais une dépression, jamais de suicide, jamais de meurtre non plus. Les gens mourraient, de vieillesse ou de maladie, mais surtout de façon naturelle. Notre regard face à la vie avait été totalement modifié. 

Elsa a eu envie d'un enfant. Dans une autre vie, j'aurais dit non. Sur la Lune, tout devenait possible. J'ai accepté de supporter les cris, les pleurs la nuit, les disputes et les biberons à réchauffer. Et tu es arrivé. Petite princesse, tu es née avec plein de cheveux, un six Décembre. Tu as été un merveilleux cadeau. Presque une délivrance. Enfin je grandissais. Depuis ta naissance, les bourdonnements dans mes oreilles ont à jamais cessé. 
Un matin, nous avions décidé de sortir, à côté du petit lac. Il y avait un coin que nous aimions bien, caché parmi des rochers lunaires. Nous t'avions assise, juste au bord de l'eau, avec un petit arrosoir. Tu nous regardais, avec tes yeux amandes et rieurs. Tu ressemblais tellement à ta maman ! A un moment, tu as jeté l'arrosoir, un peu plus loin, sur les cailloux. Tu l'as regardé, tu nous a regardé. Tu as eu l'air soudain très sérieuse, et tu as poussé sur tes petites mains. Tu t'es mise debout. Tu as hésité, encore un peu, et tu t'es lancée. Un pas, puis un autre, un peu mal assurée... Et finalement, tu es parvenue à ton but. Tu as récupéré le petit arrosoir bleu, et tu as ri, sous nos yeux ébahis : tes premiers pas sur la Lune.

6 commentaires:

  1. J'aime beaucoup, l'impossible devient possible !

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  2. Très beau texte !
    J'ai cru au départ que l'absence d'informations techniques manquerait au style et au contexte mais je me suis fourvoyé ! L'action est bien centrée sur les personnages et sur leur histoire. Un pur texte de Bénédicte !

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  3. Yeah! Un thème identique, et un résultat complètement différent!J'aime bien ton texte, qui a répondu évidemment au challenge, avec un regard très... doux (sauf pour nous pauvres terriens).

    Personnellement je trouve ça un peu onirique, tout spécialement le passage sur la faune qui fait son apparition "magic system".

    Et l'arrosoir, c'est le défi dans le défi?
    PS je n'ai pas lu ton texte avant d'écrire le mien.

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  4. C'est vrai qu'il me manque l'aspect technique (je ne suis pas assez SF ^^) ;) Mais c'est si bon de rêver parfois ! :) En tous le cas, challenge à retenter pour d'autres thèmes, j'ai adoré découvrir ton texte !

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  5. Je suis très contente du résultat de ce défi que je vous ai lancé!

    Je m'attendais à beaucoup de choses, mais finalement pas à ce que tu fasses de la SF... ça te change! Et pour un premier texte SF (enfin y'en a peut-être eu d'autres que je ne connais pas), c'est plutôt pas mal! Tu as en fait réussi à mélanger ton style de texte et le côté scientifique/irréel des voyages dans l'espace.
    J'aime beaucoup comment tu finis ta nouvelle: ta vision des "premiers pas sur la lune".

    Unique critique vis à vis du réalisme : 3 semaines pour aller sur la lune c'est un peu long! Je crois qu'il a fallu 3 jours à l'équipe de Neil Armstrong. Même pour une navette de croisière, quelques jours devraient suffire je suppose.

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  6. Hihi, c'est mon gros défaut dans l'écriture : j'ai toujours la flemme de chercher des renseignements exacts. Du coup j'me suis dit "oué à vue de nez 3 semaines ça devrai le faire". Effectivement, s'ils ont mis trois jours ça craint ^^

    En tous les cas, contente que nos textes t'aient plu, je suis personnellement fan de celui de ton chéri !

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